Fritzline Désir

La violence armée en Haïti : un fléau qui impacte l’éducation des enfants

Dans un pays déjà confronté à de nombreux défis socio-économiques, l’insécurité grandissante dans les écoles haïtiennes est un problème alarmant qui doit être adressé de manière urgente. Les écoliers, censés être des symboles d’espoir et d’avenir, se retrouvent pris dans une spirale de violence qui menace leur bien-être physique et émotionnel.

Alors que nous approchons de la fin de l’année académique, les écoliers haïtiens continuent d’être les cibles de bandits armés. Le 25 mai 2023, un tragique incident s’est produit à Carrefour Feuilles, dans la commune de Port-au-Prince, où un écolier haïtien a été mortellement blessé par des balles tirées par ces criminels armés. Cette triste réalité rappelle un incident similaire qui s’est produit en février dernier à Liancourt, dans le département de l’Artibonite, où un autre écolier, Alfred Fekens, a perdu la vie dans sa salle de classe. En tant que blogueuse passionnée par l’éducation en Haïti, il est essentiel de mettre en lumière cette violence armée et ses conséquences dévastatrices sur les enfants.

Photo de Emmanuel Ikwuegbu pour Pexels

Un appel à l’attention et à l’aide

Lorsque de tels incidents tragiques se produisent, il est important de prendre en compte l’impact sur les camarades de classe des victimes. Ces événements traumatiques peuvent avoir de graves conséquences sur leur santé mentale et physique. Les enfants peuvent développer des troubles de stress post-traumatique (TSPT), de la dépression et de l’anxiété, qui les affectent à long terme. Ils peuvent également souffrir de cauchemars récurrents, de flashbacks et de peurs soudaines. Tout cela peut nuire à leur capacité à apprendre, à se concentrer et à interagir avec leurs camarades de classe.

Par ailleurs, cette tragédie peut engendrer des perturbations émotionnelles chez les enfants, les poussant à adopter des comportements agressifs, à s’isoler ou à défier l’autorité. Ces réactions peuvent également avoir des répercussions négatives sur leurs performances scolaires, ce qui influence directement leur avenir académique et professionnel.

Un obstacle à l’éducation des enfants

La violence armée en Haïti demeure un problème préoccupant qui entrave l’éducation des enfants. Il est essentiel que le gouvernement haïtien prenne des mesures concrètes et durables pour résoudre les causes profondes de cette violence et garantir la sécurité des écoliers. Cela nécessite une approche multidimensionnelle, allant de la lutte contre la pauvreté et la marginalisation à la promotion de l’accès à l’éducation et aux opportunités économiques.

En tant que blogueuse engagée dans le domaine de l’éducation en Haïti, il est de notre devoir de sensibiliser le public à cette problématique et de demander des mesures concrètes pour protéger nos enfants. Nous devons mettre en avant les voix des victimes, des familles affectées et des enseignants qui œuvrent chaque jour pour offrir un environnement sûr d’apprentissage.

Il est également crucial de promouvoir la santé mentale des enfants touchés par ces violences. Cela passe par la mise en place de programmes de soutien psychologique et d’accompagnement pour les aider à surmonter les traumatismes et à retrouver un équilibre émotionnel.

Des mesures gouvernementales urgentes

En conclusion, la violence armée en Haïti constitue une menace grave pour l’éducation des enfants et pour la société dans son ensemble. Il est temps d’agir avec détermination pour mettre fin à cette spirale de violence. Le gouvernement haïtien, les organisations de la société civile et la communauté internationale doivent unir leurs efforts pour résoudre les causes profondes de cette violence et garantir un avenir sûr et prospère pour les générations futures. Nous ne pouvons pas permettre que nos écoliers continuent d’être les victimes de cette tragédie. L’éducation est un droit fondamental, et il est de notre responsabilité collective de le protéger et de le promouvoir pour un avenir meilleur en Haïti.


Le harcèlement sexuel dans le milieu scolaire en Haïti : un appel à lutter pour la sécurité et les droits des femmes

Le 8 mars est une journée de célébration, de sensibilisation et de mobilisation pour les droits des femmes à travers le monde. Cette journée nous rappelle l’importance de la lutte pour l’égalité des sexes et met en lumière les nombreuses discriminations que les femmes subissent encore aujourd’hui. En Haïti, être une femme est synonyme de lutte constante pour obtenir des droits égaux, lutter contre les inégalités de genre et lutter contre le harcèlement. Cette réalité, souvent ignorée, est quotidienne pour des milliers de femmes haïtiennes qui doivent faire face à de nombreux obstacles dans tous les domaines de la vie.

A l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, je souhaite, en tant que femme, partager mon expérience des violences dans le milieu scolaire haïtien.

Dès mon plus jeune âge, j’ai subi du harcèlement de la part de certains de mes professeurs qui me faisaient des avances et m’invitaient à sortir avec eux. Cette situation a été très difficile à vivre pour moi, car j’étais une enfant, jeune et vulnérable, et je ne savais pas comment réagir face à ces comportements inappropriés.

Après avoir terminé mes études classiques, j’ai pensé que le harcèlement serait enfin derrière moi, mais j’ai vite réalisé que ce n’était pas le cas. Au niveau universitaire, j’ai été confrontée à un harcèlement encore plus flagrant et agressif. Il y avait des jours où j’avais peur d’aller en cours, sachant que j’allais être la cible de commentaires et d’attitudes déplacées (l’anxiété, la peur, l’isolement social, font partie des réactions « classiques » lorsque l’on subit du harcèlement).

Les agissements typiques des harceleurs et les réactions naturelles de défense des victimes de harcèlement sont connues des spécialistes qui luttent contre ce phénomène. Lorsque l’on est soi-même touché, on peut chercher des informations pour savoir comment réagir et mieux se protéger.

Un jour, j’ai décidé de prendre mon courage à deux mains et de parler à l’un des professeurs qui me harcelait. Je lui ai expliqué que ses propos me mettaient mal à l’aise. Mais, à ma grande surprise, il m’a répondu que ce n’était pas du harcèlement puisque je n’étais plus une enfant ! Alors que le harcèlement n’a rien à voir avec l’âge de la personne qui subit les agissements du harceleur ! Cette réponse m’a laissée abasourdie et m’a fait comprendre à quel point la culture du harcèlement était ancrée dans notre société.

Ce professeur a arrêté de me harceler, mais, malheureusement, il a continué à harceler d’autres filles de la classe, avec des propos sexistes et dégradants, devant tout le monde. Cela montre que le harcèlement sexuel n’est pas seulement un problème individuel, il peut avoir lieu devant un groupe qui en est témoin, sans que personne ne réagisse, sans que cela n’y change rien… Le phénomène de harcèlement peut donc être soutenu par une culture qui tolère et normalise de tels comportements, ce qui est le cas en Haïti.

En partageant mon témoignage, j’espère sensibiliser davantage sur la nécessité de lutter contre le harcèlement sexuel et les violences faites aux filles et aux femmes, en particulier dans le milieu scolaire haïtien, mais aussi partout ailleurs où ce phénomène existe. Il est temps que nous prenions des mesures concrètes pour protéger les filles et les  femmes afin de leur offrir un environnement d’apprentissage sûr et respectueux.

En somme, la Journée Internationale des Droits des Femmes est un rappel crucial de la nécessité de continuer la lutte pour l’égalité des sexes et la fin de la discrimination envers les femmes. Mon expérience personnelle dans le milieu scolaire en Haïti met en lumière l’ampleur du problème du harcèlement sexuel dans notre société et la nécessité de prendre des mesures concrètes pour le combattre.

Nous devons nous unir pour faire entendre nos voix et protéger les droits des femmes et des filles, afin qu’elles puissent vivre dans un pays où leur sécurité, leur dignité et leur épanouissement ne sont plus menacés. En ce 8 mars, engageons-nous à continuer la lutte pour un avenir plus juste et égalitaire pour toutes les femmes, en Haïti et partout dans le monde.


Émigrer aux USA : les écoliers haïtiens doivent faire face aux contraintes du système scolaire américain

Depuis l’indépendance d’Haïti en 1804,  les citoyens haïtiens sont toujours en quête de meilleures opportunités économiques et politiques ailleurs. Si les haïtiens veulent toujours partir, il faut savoir que ce n’est pas toujours de leur plein gré. Les raisons de l’immigration haïtienne ont toujours été complexes : l’insécurité économique, les troubles politiques, la violence des gangs, la recherche de meilleures opportunités d’éducation, sont souvent les principales raisons qui poussent de nombreux haïtiens à chercher refuge ailleurs.

Durant le début du mois de janvier, les États-Unis ont mis sur pied un programme d’immigration « Humanitarian parole » qui permet aux ressortissants haïtiens de rentrer dans le pays légalement. Depuis ce jour, les bureaux de l’immigration sont surchargés par les demandes de passeport. Chaque citoyen haïtien, veut par tous les moyens se procurer ce précieux trésor qui peut leur permettre d’appliquer dans le programme et laisser le pays.

Les écoliers haïtiens qui auront à laisser le pays, vont-ils s’intégrer facilement dans le système scolaire américain ?

Le système scolaire américain et le système scolaire haïtien présentent des différences importantes qui peuvent affecter l’intégration des enfants haïtiens. Tout d’abord,  la barrière de la langue peut être un obstacle pour les enfants haïtiens qui ne parlent pas couramment l’anglais. Cela peut entraîner des difficultés pour suivre les cours et comprendre les instructions des enseignants, ce qui peut affecter leur rendement scolaire.

Ensuite, le nombre d’années d’études est différent. Le système scolaire américain comporte 12 années d’études alors que le système scolaire haïtien en comporte 13. Cela peut entraîner des difficultés à trouver la parfaite équivalence pour les écoliers haïtiens en dernière et avant-dernière année du secondaire.

En outre, les normes culturelles et les attentes académiques américaines sont différentes de celles auxquelles les élèves haïtiens sont habitués, ce qui peut entraîner des difficultés de comportement ou de rendement scolaire.

En conclusion, ce programme semble être une délivrance pour les haïtiens qui souhaitent immigrer aux Etats-Unis. Cependant, il faut aussi penser à  l’intégration des écoliers haïtiens dans le système scolaire américain qui peut être difficile en raison des différences entre les systèmes scolaires haïtien et américain. Il est donc important de prendre en compte certains facteurs pour aider les enfants haïtiens à s’intégrer de manière efficace dans le système scolaire américain tout en tenant compte des différentes difficultés qu’ils peuvent rencontrer.


Journée mondiale de l’éducation dans le monde : Haïti toujours face à ses défis

Depuis 5 ans, l’Organisation des Nations Unies considère le 24 janvier comme la journée mondiale de l’éducation dans le but de montrer le rôle que joue l’éducation dans la paix et le développement.

L’éducation joue un rôle crucial dans l’ascension sociale des citoyens. Elle est considérée comme un puissant facteur de développement et contribue à la stabilité sociale, politique et économique. Elle est une nécessité, et aussi une activité sociologique fondamentale.

Depuis la naissance du système éducatif haïtien, les inégalités sociales ont toujours été le reflet des inégalités scolaires. Ces inégalités scolaires concernent l’accès au système, la formation des enseignants, la parité de genre et les différents types d’écoles dans le pays.

Crédit : Iwaria.com

Cette journée doit être pour nous une occasion de réfléchir à tous ces problèmes et de voir comment nous pouvons les améliorer. Concrètement, nous devons penser à l’accès et la qualité d’éducation des enfants. De nombreux enfants haïtiens sont en âge d’être scolarisée, mais n’ont pas accès à l’éducation. La résolution de certaines inégalités est importante pour améliorer le système éducatif haïtien. En outre, nous devons penser à résoudre les crises qui poussent souvent les établissements scolaires à garder leurs portes fermées.

Cette journée internationale de l’éducation doit nous rappeler combien il est important d’éduquer les enfants du pays, aussi bien pour le présent que pour le futur, en leur transmettant un pays en voie de progrès, un pays d’espoir, un pays où les enfants ont une fierté et un sentiment d’appartenance.


Vers une ouverture progressive des établissements scolaires en Haïti

Alors que dans d’autres pays les enfants se préparent pour les vacances de noël, en Haïti, la majorité de nos enfants n’ont même pas encore fait leur rentrée officielle dans les salles de classes. 

Nous sommes le lundi 05 décembre 2022, les situations politiques et sécuritaire ne s’améliorent pas en Haïti. Le problème de carburant qui persistait depuis plusieurs mois est enfin résolu dans certaines zones du pays. Cependant, dans le Grand  Nord, plus précisément au Cap-Haïtien, la population lance un appel à l’aide au gouvernement  dans le but d’approvisionner les stations d’essence, qui n’ont toujours pas reçu de carburant pour recommencer à fonctionner. 

Dans ce contexte, depuis le début du mois de novembre, on assiste à une réouverture progressive des écoles en Haïti. Le 07 novembre dernier, seulement 7% des écoles en Haïti ont pu faire la réouverture des classes en dépit des difficultés. Le  14 novembre, on a remarqué une augmentation de 2 points. La semaine d’après, soit le 21 novembre, il y a eu une augmentation de 8 points, et le 28 novembre le pourcentage a grimpé de 18 points, pour atteindre un total de 35% d’écoles ayant réussi à ouvrir leurs portes. 

Crédit : pexels

Étant donné que les acteurs éducatifs ne sont pas encore convaincus de la situation sécuritaire du pays, la réouverture des classes n’a pas pu se faire de la même façon dans tous les départements du pays. Dans le Sud, seulement 19,97% des écoles ont pu ouvrir leurs portes jusqu’à date. Dans l’Artibonite le pourcentage est de 18,94% ; dans le Centre 28,12% ; la Grand-Anse 24,18% ; les Nippes 58,06% ; le Nord 5,51% ; le Nord-est 5,71% ; le Nord-Ouest 31,93% ; l’Ouest 17,70% et le Sud-Est 22,33%

Compte tenu de cette réouverture progressive, nous espérons que tous les enfants d’Haïti arrivent à être dans les salles de classes dans les jours à venir, car leurs places se trouvent dans les institutions scolaires et le droit à l’éducation doit être respecté.  


Un mois après l’annonce officielle de l’ouverture des classes, les portes des établissements restent fermées en Haïti

Depuis près de deux mois, toutes les activités sont bloquées au niveau du pays. La réouverture des classes qui devrait se faire le 3 octobre dernier n’a toujours pas eu lieu et aucune date de report n’a été précisée. Actuellement, des millions d’enfants sont privés d’éducation dans le pays à causes de la mauvaise gouvernance du pouvoir en place. L’évolution de la situation actuelle ne permet pas une réouverture des classes dans l’immédiat.

Pour la rentrée académique 2022-2023, les apprenants devaient passer 184 jours dans les salles de classes, soit 920 heures pour le niveau fondamental et 1104 heures pour le secondaire.

Plus près de nous en République Dominicaine, la rentrée scolaire a eu lieu le 22 août, l’année scolaire compte 179 jours de classe, soit 37 semaines de classe. 895 heures pour le niveau basic, 1074 heures pour le premier cycle du secondaire et 1 432 heures pour le niveau secondaire des centres d’excellence.

L’actuelle ministre de l’éducation nationale et de la formation professionnelle, depuis son arrivée à la tête du ministère, s’est approprié un slogan afin de mettre en marche les écoles dysfonctionnelles dans certaines zones du pays : Lekòl paka tann (l’éducation ne peut attendre) qui avait permis de rouvrir des écoles publiques situées dans des quartiers rongés par la violence.

Si à son arrivée à la tête du ministère de l’éducation nationale il avait sur ses épaules les écoles qui se trouvaient dans les zones à risques, aujourd’hui le constat est plus décevant : toutes les écoles sont fermées, malgré l’annonce faite pour une « ouverture progressive ». Aucun établissement scolaire n’a réussi à faire sa rentrée sur tout le territoire national, en raison de l’insécurité et de la pénurie de carburant qui sévit dans le pays depuis plus de deux mois.

Une situation qui risque de durer

Ceédit photo : Pixabay

Les autorités ne montrent aucun signe de volonté pour améliorer la situation. La vie en Haïti est en mode pause ; la Banque mondiale a fermé temporairement ses portes ; les banques commerciales, dans une note rendue publique depuis le 1er octobre ont réduit de moitié leurs horaires de fonctionnement ; l’administration publique ne fonctionne pas ; les compagnies téléphoniques fonctionnent à faible régime.

Dans cette situation macabre que connaît le pays, même la presse n’est pas épargnée. Le journal Le Nouvelliste, l’un des plus anciens quotidiens du pays, a annoncé qu’il arrête la publication de la version papier du journal jusqu’à nouvel ordre à cause de son impossibilité à s’approvisionner en carburant.

Compte tenu de la détérioration de la situation en Haïti, tout nous porte à croire que les établissements scolaires vont rester fermés encore longtemps.


Haïti : Les écoliers, particulièrement touchés par l’instabilité politique et la crise économique

Si dans de très nombreux pays l’accès à l’éducation est un droit fondamental garanti, en Haïti l’éducation représente un véritable défi, tant pour les parents que pour les autorités publiques.

Ces cinq dernières années ont été marquées par une grave crise politique en Haïti. L’opposition réclame la démission du président, Jovenel Moïse, accusé par la Cour supérieure des comptes d’être personnellement impliqué dans des affaires de corruption. Mais le président affirme vouloir terminer son mandat. Entre septembre et décembre 2019, ce bras-de-fer politique a débouché sur un mouvement de contestation sans précédent : « pays lock », pays « bloqué » en créole. Pour accroître la pression sur le chef de l’État, l’opposition a appelé la population à rester chez elle. Ainsi, la plupart des écoles sont restées fermées. 

Ces mouvements violents d’opposition au pouvoir en place ont grandement perturbé l’accès à l’éduction en Haïti, en réduisant le nombre de jours de cours des élèves. Juillet 2018 marque le début des manifestations violentes en Haïti. Seulement 1 an et 4 mois après l’accession du Président Jovenel Moïse au pouvoir, le peuple était déjà remonté contre lui.

En 2019, l’année académique a très mal commencé. On a pu observer le phénomène de pays-lock, qui a paralysé toutes les activités du pays, l’école a été touchée de plein fouet. Ce phénomène a poussé le Ministère de l’éducation nationale à modifier à maintes reprises le calendrier scolaire, réduisant ainsi le nombre de jours passés en classe comme une peau de chagrin. Les écoles de la capitale de la première république noire ont fermé leurs portes pendant plusieurs mois, tout au long de l’année. Les élèves ont quand même été obligés de passer les épreuves officielles en juillet 2019 avec beaucoup de difficultés.

Crédit : Pixabay

Pour l’année académique 2019-2020, la rentrée des classes a eu officiellement lieu en septembre 2019, mais elle a vite été interrompue par le fameux phénomène de pays-lock répétitif, repoussant l’ouverture effective des classes à janvier 2020. Le Ministère de l’éducation nationale n’a pas cessé de modifier le calendrier scolaire… À peine que quelques mois écoulés, et la situation sanitaire venait empirer les choses. Le gouvernement haïtien a décrété l’état d’urgence sanitaire le 19 mars 2020, suite à la découverte du premier cas de COVID19 en Haïti, ce qui a provoqué la fermeture des écoles, obligées de fermer leurs portes pour éviter la contamination des apprenants. Au cours de la période d’urgence sanitaire, qui a duré près de cinq mois, certaines écoles privilégiées ont pu faire l’expérience, avec de grandes difficultés, de l’éducation à distance. Mais pour la plupart des écoles, la situation précaire des parents n’ont pas permis la poursuite pédagogique. Les écoles ont finalement toutes réouvert le 10 août, et, dans la plupart des cas, les examens de 2e trimestre ont été considérés comme examens finaux.

Un calme apparent

Le 7 juillet 2021, l’assassinat du président Jovenel Moïse a amené une période un peu plus calme dans le pays, après quelques semaines d’incertitude. La réouverture des classes n’a pas été affectée par cet évènement. Pour 2021-2022, la rentrée scolaire avait été fixé au 6 septembre. Mais, un séisme a frappé le grand sud en août 2021, causant beaucoup de pertes en vies humaines, ainsi que de nombreux dégâts matériels touchant notamment des infrastructures scolaires. Par conséquent, la population et les syndicats ont demandé de reporter la rentrée scolaire. Ainsi, une semaine avant la date initialement prévue pour la rentrée scolaire, le Ministre de l’éducation a publié un nouveau calendrier scolaire dans lequel il fixait la rentrée scolaire au 21 septembre 2021. Les élèves dans les départements du sud touchés par le séisme ont pu, de leur côté, rentrer dans les salles de classe le 4 octobre 2021. Finalement, cette année scolaire s’est déroulée plus ou moins dans le calme, à l’exception des zones de conflit entre gangs armés.

Une année qui s’annonce mal

Cette année (2022-2023), le nouveau Ministre de l’éducation nationale, Nesmy Manigat, avait initialement fixé la rentrée scolaire au 5 septembre. Mais, à cause de la rareté du carburant et à cause de l’inflation galopante, le gouvernement a reporté la rentrée au 3 octobre 2022. Depuis le report de l’année académique, la situation politique et économique n’a cessé de s’aggraver… Pour cause, les manifestations violentes suite à l’annonce de l’augmentation des prix du carburant qui ont été suivies de scènes de pillage, dans des établissements scolaires notamment, dans plusieurs départements du pays. Tout porte à croire que l’année académique qui s’annonce sera marquée par des événements qui risquent de la perturber. Les partis politiques semblent être actuellement dans un dialogue de sourds. La situation aboutira soit à l’organisation d’élections anticipées, soit à la mise en place d’un gouvernement de transition. Mais, ce qui est sûr, c’ est que tous ces événements ne seront pas sans conséquences sur l’année scolaire 2022-2023.


Pourquoi j’ai pris le chemin inverse de la migration en Haïti ?

J’étais en deuxième année d’études universitaires quand ma mère m’a forcée à émigrer en République dominicaine à cause de la situation d’insécurité en Haïti. J’ai dû abandonner mes études pour y aller sans savoir combien de temps j’allais passer dans ce pays nouveau pour moi, sans pouvoir continuer ma scolarité.


Une fois arrivée en République dominicaine, j’ai vite entamé des études de langue afin de pouvoir intégrer rapidement une université. Mais, la dégradation de la situation avait fini par compliquer davantage mes projets. J’avoue que ce n’était pas du tout facile. Je commençais à perdre l’appétit et je n’arrêtais pas de pleurer car, je ne m’imaginais pas aussi loin de ceux que j’aimais et de mes activités universitaires.


Selon les statistiques, plus de 500 000 Haïtiens vivent en République dominicaine notamment pour fuir l’insécurité et la misère qui sévit en Haïti. La majorité d’entre eux sont des jeunes, qui suivaient tant bien que mal des études en Haïti. On estime à 40 000, le nombre d’étudiants haïtiens en République dominicaine. Donc, je n’étais clairement pas la seule à être dans cette situation qui est devenue depuis les cinq dernières années, la seule alternative pour les Haïtiens ne pouvant pas quitter le pays, faute de mieux.


Après neuf mois en République dominicaine, j’ai décidé de prendre la route inverse de la migration haïtienne pour rentrer en Haïti. J’avais décidé de ne plus y rester. Je disais à ma mère que je voulais retourner en Haïti pour poursuivre mes études en sciences de l’éducation. Elle a vite cru que je suis devenue folle, car les jeunes Haïtiens ne rentrent pas en Haïti pour faire des études, au contraire, ils souhaitent tous partir.


Un mardi matin, soudainement, j’ai décidé que je ne passerai pas la journée sans rien faire et j’ai pris ma valise. J’y ai ajouté mes appareils électroniques pour prendre la route de la première république noire indépendante. Sur le chemin du retour, je me suis sentie semblable à une héroïne, d’un pan de l’histoire de mon pays, tellement ce choix me paraissait difficile et que je le considérais toute de même comme une victoire.

paysages Haïti
Paysage haïtien sur le chemin du retour. Crédit :  Fritzline Désir


Une fois en Haïti, ma mère était surprise de me voir. Pour deux raisons, non seulement elle ne savait pas que j’allais venir et deuxièmement parce j’avais trop maigri. Me regardant d’un air bizarre, elle me demanda : « tu vas bien, tu es malade » ? Je lui ai dit que je vais bien, et que je ne suis pas malade. Je suis tout simplement une jeune fille qui est convaincue que l’éducation peut contribuer à changer ce pays.


Les gens qui quittent le pays pour aller étudier à l’étranger ont tendance à ne plus revenir. Selon une étude de la BID, le taux de fuite des cerveaux haïtiens dépasse les 85 %. Cette déperdition intellectuelle joue un grand rôle dans la situation instable que connait Haïti depuis plusieurs années.


La situation des intellectuels qui fuient Haïti doit changer parce que le pays à besoins de ses fils pour son progrès et son développement, mais on ne va pas y arriver si les gens qui sont formés sont incertains quant à leur avenir en Haïti. Les Haïtiens doivent rester car le développement d’un pays passe avant tout par ses ressources humaines, et pour que les générations à venir ne se trouvent pas dans la même situation qu’aujourd’hui, les Haïtiens doivent rester en Haïti pour contrer le système et participer au progrès du pays.
Face à la faiblesse de l’État, je souhaite m’investir à créer un avenir meilleurs pour mes compatriotes. Je suis persuadée que l’éducation est la première arme de développement massive d’un pays. J’ai repris mes études en sciences de l’éducation dans ce pays, bravant tous les jours la peur des enlèvements, l’insécurité, la pauvreté afin de construire la nouvelle école du progrès pour les filles et les fils d’Haïti.